05/03/2018

À CEUX QUI AIMENT L'ATELIER DU NORD



Salut.

En tant qu'artiste résident, je me suis toujours senti bien à l'Atelier du Nord.
C'est à dire, je m'y suis toujours senti libre, plus libre que n'importe où ailleurs au sein d'une ville (et peut-être nulle part ailleurs oserais-je utiliser ce mot : libre).
Certains disent que ça a toujours été un repaire de pirates.
C'est sacrément vrai, mais c'est encore très loin de la réalité : l'atelier n'est pas un repaire, c'est proprement un bateau de pirates.
Un navire, un espace mobile au beau milieu d'un océan infini, sans autre frontière physique que celle qu'on se donne avec le regard.
Évidemment, on me dira qu'il y a des lois et leurs propriétaires, des rivages moraux et juridiques ; peut-être, mais la dérive des continents et le mouvement de leurs plages n'a jamais empêché ni contraint l'immensité de l'océan.
C'est là-dessus que nous naviguons.
Et quiconque entre dans l'atelier – pour une soirée musicale et une exposition ou pour boire un café pendant que nous y travaillons – le ressent, qu'il le supporte ou non, il ressent consciemment ou dans son corps que la seule limite collective qui existe est celle que chacun propose à l'autre par sa bienveillance et par le plaisir qu'il a d'être là, à ce moment précis, dans l'atelier.
C'est le principe des pirates et de leur chasse-partie.
Le temps d'une soirée ou le temps d'une chasse au commerce impérialiste ou le temps d'une chasse au trésor qu'on s'invente ensemble : la joie de se retrouver quelque soit la gueule qu'on a ce jour-là et le goût de rencontrer de nouvelles gueules, fraîches ou raccommodées.
C'est notre seul butin, ô combien précieux, et cette chasse-partie, seul contrat valable humain, établit une seule règle, celle du partage de ce butin qu'on s'offre l'un à l'autre.
C'est de l'idéal romantique tout ça ?
De la mauvaise poétique anar' ?
Ce n'est pas avec ça qu'on vit ?
À voir...
Pour ma part, je vis mon quotidien d'artiste grâce à ce bateau de pirate.
Non pas simplement parce que chaque verre éclusé est un coup de rame pour boucler le terme du mois.
En fait, cet espace rendu mobile grâce à nos chasse-parties accueille mon travail mais surtout le nourrit. Sans cet idéal poétique collectif, sans chacune de ces ballades mensuelles sur la mer salée, l'atelier ne serait qu'un tas de parpaings glaciaux abritant une poignée d'artistes mal digérés.
Seul, avec un idéal solitaire, je serais un maniaque.
Avec une poétique collective telle qu'on la trouve à l'atelier, je suis debout et je deviens un artiste : un pirate à côté de la tectonique des plaques mais capable de prendre un cap chimérique et d'arriver à bon port.

Alors je n'écris pas tout ça parce que j'ai besoin d'un confesseur.
J'écris cela par souci d'honnêteté vis-à-vis de tous ceux qui aiment l'Atelier du Nord et qui le font vivre par leur présence dès qu'ils grimpent à bord.
J'écris pour ceux qui boivent encore des verres à l'atelier comme on en boit sur la terre ferme sans comprendre pourquoi ils ont ici de l'écume au coin des yeux.
J'écris avec plaisir mais avec ce plaisir qu'on ne peut pas s'empêcher de ressentir, un poil exaltant, quand on est en plein milieu de la tempête.
Ainsi, j'écris parce que l'atelier a besoin du soutien et de la présence de chacun :
il semble que cet été, il faudra faire place nette au 29 rue St-Étienne de Figuerolles.
Nous cherchons donc un nouvel espace pour l'Atelier du Nord, pour le collectif d'artistes et pour garder la mer ensemble. Si vous connaissez des espaces susceptibles de nous accueillir, faites le nous savoir !
Et en attendant, plus vous serez nombreux avec nous pour les derniers week-ends de l'année et plus nous serons costauds et crédibles pour nous défendre et poursuivre.
Pour notre part, on va se remuer et pas de quartier mais il est clair qu'on y arrivera pas tout seul.
Bien à vous,
Mathieu Renault
pour l'Atelier du Nord.

Et pourquoi pas la crèche Sophie Lagrèze, rue Draparnaud, désespérément vide.
AVA


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